Appel à Communications LIVRE DE LA NATURE, NATURE DU LIVRE : PRATIQUES DES FEMMES BOTANISTES Conférencières invitées : Anne Hodge (Conservatrice au département des gravures et dessins, National Gallery of Ireland) Valérie Chansigaud (Historienne des sciences, chercheuse et autrice indépendante)
Les centres de recherche TIL (Université de Bourgogne) et EMMA (Université Paul-Valéry Montpellier 3) organisent un colloque international interdisciplinaire bilingue (français-anglais) portant sur le rôle des femmes dans le développement de la botanique au sein des cultures visuelles, manuscrites et imprimées, du Moyen Âge à la période contemporaine. Les échanges se situeront à la croisée de l’histoire des sciences naturelles, de la culture de l’imprimé, de l’histoire du livre, des études sur l’illustration, des études de genre, des études végétales et de l’écocritique. Les communications pourront porter sur une grande variété de cas sans limite géographique, des herbiers aux écrits non fictionnels, des archives d’éditeurs et de bibliothèques aux collections de musées, ou bien du jardin au journal intime et au livre imprimé. Elles aborderont le rôle des femmes en tant que botanistes professionnelles ou pratiquant en amateur, créatrices de jardins, membres de clubs, illustratrices, diaristes, écrivaines, éditrices, et dans tout autre rôle où leurs pratiques individuelles ont un impact sur les productions manuscrites et imprimées. Historiquement, la ressemblance supposée entre les femmes et les plantes a façonné leurs images(Greene; Taiz et Taiz). Même après la découverte de la sexualité desplantes à la fin du XVIIe siècle, cette association est restée si prégnante qu’Hegel écrit dans sa Philosophie du droit (1821) que les hommes sont« semblables aux animaux, actifs et combatifs », et les femmes « semblables aux plantes, essentiellement placides » (Schiebinger 2).C’estprobablement pour cette raison que Jean-Jacques Rousseau, parmi tant d’autres, recommandait la botanique aux dames. Au début du XIXe siècle, la botanique était considérée comme une science féminine, tandis que s’affirmait la distinction entre la botanique scientifique, pour les hommes, et la botanique populaire et littéraire, pour les femmes (Shteir). Ce colloques’attachera à définir la manière dont le rôle des femmes dans la botanique et les espaces qui leur sont dévolusont évolué au regard des conventions et restrictions institutionnelles et sociétales. Tout en prenant en compte lespreuves d’invisibilisation, nous examinerons également la spécialisation des femmes dans certains domaines précis, tels que l’illustration, et ses conséquences sur les cultures manuscrites et imprimées. Les communications pourront porter sur des études de cas spécifiques comme sur des processus diachroniques. Elles pourront mettre en lumière des évolutions historiquesou contemporaines, évaluer des héritages et proposer des réévaluations. Nous invitons les chercheurs, bibliothécaires, artistes visuels et éditeurs à explorer les thèmes suivants : - Le Livre de la nature et son évolution : les communicationspourront portersur l’évolutiondu trope médiéval de la nature lisible comme un livre, matérialisé dès le XIIe siècle par des productions telles que les herbiers. Nous interrogerons la notion de « nature » lorsqu’elle croise « le féminin »et la pertinencede modèles genrés dans le domaine de la botanique. - Itinéraires des femmes et des plantes : les communications pourront inclure des récits biographiques qui retracent les itinéraires des femmes botanistes en fonction dutype de plantes étudié. Il seraitintéressantde souligner les hiérarchies implicites ou explicites qui sous-tendent les catégoriesgenrées : existe-t-il un lien entre desordresprécis commeles mousses, les champignons et les fougères, et le fait qu’ilssoient étudiées par des femmes ? On pourra aussi examiner l’association traditionnelle entre les femmes et le soin, en ce qui concerne par exemple les plantes médicinales. - Sources, archives et échanges : nous aimerions aborder la manière dont les chercheurs peuvent se saisir du sujet des femmes botanistes. Quelle proportion de leur travail a été sauvegardée, par rapport à leurs homologues masculins, et comment ces archives sont-elles organisées et conservées ? Nous accueillerons également des contributions sur le financement institutionnel de leurs recherches et de leurs voyages éventuels, ainsi que des études portant surles réseaux transnationaux et les échanges avec des correspondants nationaux et étrangers. Des trésors inconnus attendent peut-être encore d’être découverts. - Diffusion des manuscrits et des imprimés : les communications pourront porter sur les moyens spécifiques de diffusion des découvertes de ces botanistes. Ceci concerne tout d’abord l’histoire de l’édition : comment les éditeurs ont-ils abordé la botanique féminine ? Quel est le rôle des femmes éditrices, vulgarisatrices de la botanique ouautrices d’ouvrages pédagogiques ? Les rapports entre l’imprimé et le manuscrit peuvent aussinous amener à envisager la tension entre contraintes, émancipation et créativité, au travers d’exemples tels que le journal intime, la circulation privée des manuscrits et les archives intimes. - Pratiques et lieux de diffusion et d’exposition : une attention particulière sera également accordée à la dimension spatiale et médiale de la circulation des artefacts manuscrits et imprimés, de la page du livre, du périodique et du journal intime aux musées, salons, jardins, amphithéâtres, et espaces diversement genrés, jusqu’à Internet aujourd’hui. Cela permettra d’évaluer le rôlealternatif de certains espaces tels que le jardin et le foyer lorsqu’ilsservent de laboratoires botaniques. Une analyse spatiale peut également fournir des indices sur la manière dont les femmes ont été confinées par leur milieu ou se sont émancipées. - Botanique, illustration et nature writing : travailler comme illustratrices a souvent permis aux artistes femmes de s’engager dans des recherches scientifiques tout en étant privées de soutien institutionnel. Cette restriction a néanmoins pu avoir comme conséquence de consolider des modèles et modes d’enquête iconiques et textuels dans le livre illustré, le nature writing et les publications théoriques et grand public sur la vie des plantes. Par conséquent, les communications pourront aussi explorerla manière dont l’histoire matérielle des pratiques textuelles et visuelles, ainsi que les attitudes envers les plantes ont pu nourrir une "poétique botanique" (Rosenberg 10-14). Nous aimerions également savoir comment les illustratrices, botanistes et écrivaines contemporaines se saisissent de cet héritage. - Amateurat et science professionnelle : les communications analyseront la manière dont des femmes inconnues ou pleinement reconnues ont négocié la frontière entre sphères privée et publique, jouéde la porosité entre certains domaines et mis à profit des espaces éducatifs auxquels elles avaient accès. Cela peut conduire à des enquêtes sur la contribution des femmes à la botanique en tant que recherche individuelle et/ou institutionnelle, en tant que source de développement personnel par opposition à une carrière professionnelle, et bien sûr à réévaluer des contributions oubliées à l’histoire des sciences. - L’artisanat féminin et la circulation intermédiale des modèles : les contributions mettront en lumière les aspects matériels, techniques et intermédiaux des pratiques féminines. Existe-t-il des productions expérimentales telles que les mosaïques de papier de Mary Delany et les cyanotypes d’Anna Atkins qui se prêtent à une analyse critique de leur statut marginal et à des visualisations alternatives de la nature ? Certains types d’objets ont été associés aux pratiques des botanisteset à la dissémination intermédiale des modèles, comme par exempleles modèles de fleurs fabriqués par l’entreprise Brendel en Allemagne, conservés aujourd’hui dans des universités européennes telles que Dijon. Quel a été le rôle des femmes dans la fabrication de ces modèles ? Quel a été son impact sur les carrières et l’esthétique des femmes botanistes ? Les propositions de communication(sous la forme d’un résumé de 300 mots et d’une biobibliographie, en français ou en anglais)sont à envoyer avant le 31 octobre 2024 à l’adresse suivante : bookofnature2025@gmail.com Notification d’acceptation: 15 décembre 2024. Le programme du colloque sera publié en janvier 2025. Envoi des articles: 30 septembre 2025. Comité scientifique : Dr Anne-Charlotte Anstett (CNRS, Université de Bourgogne); Dr Anna Cabanel (Université de Louvain);Dr Kathleen Davidson (Université de Sydney);Rodolphe Leroy (Université de Bourgogne);Dr Katherine Manthorne (City Universityde New York);Dr Clélia Nau (Université Paris-Cité);Dr Ann Shteir (Université de York, Canada) Comité d’organisation : Sophie Aymes, Marie-Odile Bernez, Ali Hatapçı, Candice Lemaire (Université de Bourgogne), Valérie Morisson (Université Paul-Valéry Montpellier 3).
Bibliographie indicative Bending, Stephen. Green Retreats: Women, Gardens and Eighteenth-Century Culture. Cambridge : Cambridge UP, 2013. Chansigaud, Valérie. Histoire de l’illustration naturaliste. Paris: Delachaux et Niestlé, 2009. —. Une histoire des fleurs: entre nature et culture. Paris: Delachaux et Niestlé, 2014. Davis, Rebecca. “The Book of Nature”.Nature and Literary Studies. Ed. Peter Remien and Scott Slovic. Cambridge: Cambridge UP, 2022. 31-48. George, Sam. Botany, Sexuality, and Women’s Writing 1760-1830: From Modest Shoot to Forward Plant. Manchester: Manchester UP, 2007. Greene, Edward Lee. Landmarks of Botanical History. Part 2. Ed. Frank N. Egerton. Stanford UP, 1983. Johnson, Nuala C. Empire, Gender, and Bio-Geography: Charlotte Wheeler-Cuffe and Colonial Burma. Abingdon; New York : Routledge, 2023. LaBouff, Nicole. “Public Science in the Private Garden: Noblewomen Horticulturalists and the Making of British Botany c. 1785–1810”. History of Science 59:3 (Sept. 2021): 223-55. Laroche, Rebecca. Medical Authority and Englishwomen’s Herbal Texts, 1550–1650. London: Routledge, 2016. Libster, Martha. Herbal Diplomats: The Contribution of Early American Nurses (1830-1860) to Nineteenth-Century Health Care Reform and the Botanical Medical Movement. Golden Apple Publications, 2004. Lightman, Bernard (ed.). A Companion to the History of Science. Chichester; Malden: John Wiley & sons, 2016. Manthorne, Katherine. Fidelia Bridges. Nature into Art. Lund Humphries, 2023. Page, Judith W., and Elise Lawton Smith. Women, Literature, and the Domesticated Landscape: England’s Disciples of Flora, 1780-1870. Cambridge: Cambridge UP, 2011. Rosenberg, Jessica. Botanical Poetics: Early Modern Plant Books and the Husbandry of Print. Philadelphia: U of Pennsylvania P, 2022. Rudolph, Emanuel D. “Women in Nineteenth Century American Botany: A Generally Unrecognized Constituency”.American Journal of Botany 69:8 (1982): 1346-1355. Sagal, Anna K. Botanical Entanglements: Women, Natural Science, and the Arts in Eighteenth-Century England. Charlottesville: U of Virginia P, 2022. Schiebinger, Londa L. Nature’s Body: Gender in the Making of Modern Science. Rutgers: Rutgers UP, 2004. Shteir, Ann B. Cultivating Women, Cultivating Science: Flora’s Daughters and Botany in England, 1760 to 1860. Baltimore: Johns Hopkins UP, 1996. Strocchia, Sharon T. Forgotten Healers: Women and the Pursuit of Health in Late Renaissance Italy. Cambridge (Mass.): Harvard UP, 2019. Taiz, Lincoln and Lee Taiz. Flora Unveiled: The Discovery and Denial of Sex in Plants. Oxford: Oxford UP, 2017. |
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